Le goût du bonheur



Le goût du bonheur
Elle s'avançait en silence dans les bois, écoutant le craquement des feuilles mortes sous ses pieds prudents. De sa petite main potelée, elle écarta quelques branches du bosquet d'arbres qui lui cachait la vue et découvrit un ruisseau écoulant la douce mélodie de son clapotis sur les pierres plates et lisses. Elle y risqua délicatement un orteil; la vive caresse glacée fit rapidement naître un sourire sur son joli minois de porcelaine. Les nuages roulaient de plus en plus vite sous la brise matinale. La fillette attrapa au vol une des feuilles aux couleurs chaudes de l'automne qui tournoyaient autour d'elle. Puis, une goutte vint s'abattre sur ses bouclettes dorées, puis deux... et toutes ces petites perles qui descendaient du ciel clair se mirent à tomber de plus belle. Frissonnante, l'enfant si fragile, assise à même le sol, enfila son anorak rouge en laissant échapper de sa bouche de poupée de clairs éclats de rire. Ses yeux d'aciers brillants d'émerveillement, elle tira la langue pour saisir la pluie et laissa le goût tiède du bonheur s'évanouir sur ses lèvres. Plus jamais elle ne retournerait là-bas s'était-elle promis. Plus jamais. Et en inspirant la beauté de ce matin pluvieux, l'enfant resta assise longtemps, longtemps…

Par Marie-Pier Chevarie-Decoste